Depuis que j’ai commencé ma propre exploration du Merveilleux, j’ai eu la chance d’en rencontrer plein.
Des gens pas sur autoroute.
Des gens, qui un jour ont pris leur baluchon et sont partis tracer leur route. Des gens qui on décidé de défricher, de traverser les forêts, & les océans. Pour aller voir de l’autre côté, s’ils y étaient. & comme je sais que tu fais partie de ceux-là, j’ai décidé de te les présenter.
J’ai décidé de les épingler dans
ma COLLECTION d’Explorateur du MERVEILLEUX.
Ça prendra des formes différentes:
à écouter,
à lire,
à regarder.
Mais à tous, je leur ai posé les mêmes questions. J’ai pris un long temps pour les rédiger, ces questions. Je me suis basée sur ma propre exploration. Parce que c’est comme ça qu’on fait. On part explorer & on croise des gens avec qui on peut enfin partager. On partage les écueils. On partage nos façons. & chacun fait ce qu’il veut avec ce qu’il a trouvé. Parfois, il s’agit juste de s’écouter. De se dire “Ah tiens c’est comme ça qu’il-elle a fait?”.
Il s’agit comme le dit mon ami Nac’Imagine,
de cultiver sa CURIOSITÉ.
(Si tu veux lire ce qu’il en dit, lui aussi c’est par là)
Aujourd’hui, pour compléter ma collection,
je voulais te présenter Anaïs Mérat. Costumière
Anaïs je l’ai rencontré dans la coopérative dont je fais partie. Depuis son chemin à pris d’autres routes mais l’amitié elle est restée. Elle fait partie des Fées que je fréquente assidument & qui sont venues fabriquer leur Baguettes Magiques dans mon atelier (& rigoler aussi). Je t’avais raconté ça dans une note ici.
Anaïs Mérat Costumière – création originale pour l’exposition COULEURS de MuseoScience – www.museoscience.fr
Anaïs, dans ta malle d’EXPLORATRICE du MERVEILLEUX, il y a :
★ Une carte d’explorateur du Merveilleux:
C’est quoi un explorateur du merveilleux ?
Un.e explorateur.rice du merveilleux, c’est quelqu’un.e qui contribue à créer la réalité qu’il.elle voudrait voir dans la société. Ce qu’on voit autour de nous nourrit notre imaginaire. Donc si on montre des exemples de possibles dans notre art, dans nos créations, dans nos productions de travail, ils peuvent devenir possible aussi aux yeux des autres. Et donc un jour, devenir possible dans la vie. La vie a besoin de rêves et d’imaginaires.
★ Une baguette/ unBâton Magique
Abracadabraaa, trois heures de plus par jour, tu en fais quoi?
J’en prends une moitié pour me reposer parce que créer ça demande de s’être bien reposé. Et je prends l’autre moitié pour créer des costumes et raconter les histoires des personnages que j’ai créé avec les costumes
Anaïs Mérat Costumière – création originale pour l’exposition COULEURS de MuseoScience – www.museoscience.fr
★ L’ingrédient secret
La rencontre avec ta technique, ça s’est passé comment ?
Il y a eu plusieurs temps de rencontre.
J’ai rencontré la couture avec ma maman. Elle coud dans son temps libre. Elle faisait des vêtements pour elle, pour mon frère et moi, pour mes poupées. J’ai passé plein de temps à la regarder coudre, à jouer avec les morceaux de tissus pour créer des vêtements à mes poupées. Et puis vers mes 12 ans, j’ai commencé à vraiment apprendre à coudre avec elle.
La création textile, c’est un truc qui relie beaucoup de femmes de ma famille que ce soit professionnel ou pas. Ma grand-mère maternel tricotait beaucoup et a eu un magasin de laine. Mon arrière-grand mère maternel cousait, tricotait, crochetait et elle était remailleuse-racoutreuse dans l’industrie de la bonneterie auboise. Ma tante (la sœur de mon père) a fait des études de couture industrielle et a travaillé dans l’industrie de la bonneterie dans sa jeunesse. Elle est finalement devenue prof. Mais elle a toujours cousu des vêtements pour elle et ses neveux-nièces. Et donc ma mère qui coud, tricote et crochète. Et puis moi qui suis devenue costumière.
Donc j’aimais la couture, la création de vêtements. Adolescente, je m’imaginais travaillant dans le milieu de la mode. Mais cela ne me correspondait pas entièrement. Un jour, lors d’une exposition à la Maison du Patrimoine du Grand Troyes, j’ai rencontré des étudiantes costumières qui avaient reconstituées des costumes de la Renaissance. Et ça a été une révélation ! Je voulais être costumière ! Créer des personnages qu’ils soient imaginaires ou historiques, ça correspondait complètement à ce que je voulais faire ! Et ça, ça n’a pas changé.
★ L’essence de ce que tu es (aka Ton coeur d’enfant)
L’ enfant – toi, il était comment?
Je me souviens d’avoir toujours créer, bidouiller avec mes mains : faire du dessin, de la peinture, fabriquer des petites décorations. Et j’avais des activités artistiques : danse, dessin, musique. Mon cœur d’enfant est très créatif et il aime s’exprimer artistiquement.
J’ai également toujours aimé me déguiser. J’ai passé de nombreuses heures à m’inventer des personnages et à me déguiser avec les déguisements cousus par ma maman, en associant des éléments disparates ou des beaux vêtements. Et ça ne m’a pas trop quitté. Je suis la personne qui à 20 ans venait à la soirée de 31/12 habillée en chat botté pour le thème « cuir et moustache ». Alors que tout le monde était habillé plutôt chic avec pantalon ou jupe en cuir et une moustache dessinée.
★ Une boussole MAGIQUE
Ton grand virage à toi ?
Mon grand virage, c’est quand j’ai dit « ça suffit » à mon travail salarié pour une association qui valorisait un château. J’y étais depuis 2 ans. Après mes études de costumière, j’avais poursuivi avec de l’histoire de l’art et l’apprentissage des métiers des musées et du patrimoine. C’était chouette. J’aime aussi beaucoup l’histoire et le patrimoine. Mais je ne suis clairement pas faite pour le salariat sur le long terme. Et surtout j’avais réussi à faire un projet costume avec eux. Pendant mes heures de travail, j’ai créé 9 costumes de la Renaissance pour faire une exposition dans le château. Les costumes ont été cousus par des bénévoles. J’avais remis le pied dedans et je n’allais m’arrêter là. Donc j’ai attendu la fin de la saison touristique et je suis partie à l’automne 2018.
★ Un moulin à parole
Les mots, la phrase qui te font avancer?
« On surestime souvent ce qu’on peut faire à court terme (journée, semaine, mois) Mais on sous-estime souvent ce qu’on peut faire sur le long terme (plusieurs années) »
Je sais où je veux aller sur le long terme dans plusieurs années, voire une dizaine d’années pour certaines envies. Je sais que je m’éparpille si j’essaie de mener plusieurs gros projets en même temps avec pour objectif qu’ils soient fait rapidement. Mais je fais en sorte qu’une bonne partie de ce que je fais maintenant, permette d’aller vers là où je veux même si ce n’est pas visible dans les mois qui viennent d’un œil extérieur. Mais à l’intérieur de moi, ça me motive beaucoup.
Anaïs Mérat Costumière – création originale pour l’exposition COULEURS de MuseoScience – www.museoscience.fr
★ Un crayon magique
Que voudrais-tu changer sur la façon dont les choses sont à l’heure actuelle ?
Je voudrais qu’on arrête le capitalisme et le patriarcat tout de suite, qui sont les deux sources d’une grosse partie des discriminations et des injustices que vivent les gens. Ça permettrait de mieux répartir le travail et l’argent. Et donc de donner à tous des espaces de création, artistique ou pas artistique. Je pense que le monde sera plus beau et plus apaisé. Et surtout on n’aurait plus besoin de surconsommer et donc de détruire le climat et l’équilibre qui permet la vie de l’humain sur terre. Parce la planète, elle va s’en remettre. Mais l’être humain, c’est moins sûr. Et depuis que je suis maman, c’est pas trop l’avenir que je veux voir arriver.
★ Une pierre de LUNE
En ce moment, comment est-ce que tu explores le merveilleux ?
J’explore le merveilleux en me lançant dans un projet de costumes qui racontent les femmes et leurs histoires. Et aussi en faisant en sorte de transmettre mon savoir-faire pour aider d’autres personnes à créer des personnages/costumes et du merveilleux.
★ Le trousseau de clefs
C’est comment l’envers & l’endroit de ton atelier?
Mon atelier, c’est une pièce de ma maison, qui donne sur le salon. J’aime beaucoup travailler chez moi. J’améliore les espaces de rangement au fur et à mesure et j’en mets aussi dans le garage. Il y en a partout. C’est décoré avec des jolies cartes et des créations de mes amies créatrices.
★ Une fiole de poudre magique
Quand la flamme est presque éteinte, tu fais comment pour la rallumer ?
Je me repose. Je dors, je lis, je regarde des séries policières, je scrolle sur Instagram. Je sors un peu de ma maison pour marcher et voir des gens. Mais si la flamme s’éteint à une période où j’étais peu dans mon atelier. Alors la solution, c’est d’y retourner !
★ Un miroir enchanté
De quoi es-tu la plus fière ? Qui, t’as donnée le déclic ?
Je suis très fière des costumes Renaissance du Château du Pailly. C’était une très belle reprise. Je suis également fière de ma robe nuancier commencée en 2022 et que je termine en ce moment, en 2023.
Anaïs Mérat Costumière – création originale pour l’exposition COULEURS de MuseoScience – www.museoscience.fr
★ Le caillou dans la chaussure
Tes obstacles, c’était quoi ?
C’était d’apprivoiser le temps que j’ai à ma disposition, et que je dois aussi me laisser de la place pour me reposer et me ressourcer en dehors d’être costumière et d’être maman. J’ai envie de tout faire en même temps. J’ai beaucoup d’idées et d’envies. Mais j’apprends à me permettre de prioriser un sujet et de lui laisser le temps de porter ses fruits.
★ Un camoufleur
Est-ce que tu t’es déjà perdue en route ?
Oui quand j’ai cru que j’allais devenir fonctionnaire pour les musées et que ça me plairait sur le long terme. Finalement heureusement que je n’ai pas eu mes concours et qu’aucun des musées de mes rêves d’alors n’a accepté ma candidature !
★ Le Broyeur de cœur
Qu’est-ce qui t’a fêlé au point de laisser entrer la lumière ?
Un projet d’habitat partagé avec des gens que je connaissais et que j’appréciais mais dont je n’avais pas vu la toxicité avant d’habiter dans le même endroit.
★Des graines MAGIQUES aux pouvoirs extraordinaires
Où tu vas trouver tes idées ?
Dans ce que je lis dans des écrits féministes, dans ce que je vois dans des musées, dans ce qui se passe autour de moi, dans mes échanges avec mes copines créatrices
Souvent ça pop dans mon cerveau quand je ne cherche pas d’idées. Donc surtout quand je suis en train d’endormir mon fils ou quand je couds à la main, quand je fais une tache manuelle répétitive.
Par contre, quand je cherche activement des inspirations pour une création déjà définie, je fais des cherches photos sur google image ou je fais des cherches dans mes livres d’histoire du costume, ou sur Gallica.
★ Une étoile filante.
Pourquoi est-ce que tu fais ce que tu fais ?
Parce qu’on a tous besoin de rêver. Créer un costume, c’est transporter dans un autre monde qu’il soit historique ou imaginaire.
★ Il était un rêve ?
Tu te dessines quoi pour la suite ?
Pour la suite, je vais créer des costumes qui raconteront les femmes, l’histoire des femmes. Pour transformer la colère qui m’anime quand je vois ce que la société patriarcale dans laquelle on vit a fait aux femmes et fait encore aux femmes. Ça prendra la forme de costumes à exposer et d’expositions itinérantes.
Pour dans une dizaine d’années, j’aurais un atelier qui ne sera plus dans la maison, qui sera plus grand. Je travaillerai avec une ou deux autres personnes pour faire la couture des costumes qu’on me commandera et que j’imaginerai pour mes expositions itinérantes. Ce que je préfère faire, c’est imaginer le costume, faire le patron et trouver le tissu. Coudre concrètement le costume une fois qu’il est conçu, je sais bien faire mais ce n’est pas ce qui m’emballe le plus. Alors quand j’aurai la possibilité financière, je laisserai d’autres personnes coudre les costumes.
Magnifique!!!
Merci du partage merveilleux!